Hommage à Jacques Rozier © Patrice Terraz / Divergence

Hommages à Jacques Rozier

Jacques Rozier au Festival Cinéma – Itinérances d’Alès (Gard) en mars 1996 © Patrice Terraz / Divergence

Cinéaste essentiel de la Comédie à la française, Jacques Rozier est décédé le 2 juin 2023 à l’âge de 96 ans.

En plus d’avoir signé quelques comédies cultes (Adieu Philippine, , Maine Océan…), il a fait débuter Pierre Richard en 1965 dans l’émission télévisée Ni figue, ni raisin puis dans le court-métrage Roméos et jupettes en 1966 avant de lui offrir le premier rôle des Naufragés de l’île de la tortue en 1975 aux côtés de Jacques Villeret et Maurice Risch. Plus que tout autre, le cinéaste Pascal Thomas est intimement et artistiquement lié à Jacques Rozier avec qui il a notamment réalisé en 1976. Ces deux figures incontournables du cinéma comique français lui rendent hommage en exclusivité pour CineComedies.

Adieu Philippine (Jacques Rozier, 1962)
Du côté d'Orouët (Jacques Rozier, 1973)
Les Naufragés de l'île de la tortue (Jacques Rozier, 1975)
Maine Océan (Jacques Rozier, 1985)

Jacques Rozier et Pierre Richard en 1974 sur le tournage des Naufragés de l'île de la tortue - © Antinéa Reybor - collection personnelle Jacques Rozier

Jacques Rozier fut un de mes plus beaux souvenirs de cinéma.
Avec lui, je ne savais plus trop si je jouais ou si j’étais.
Nous étions un peu perdus, et c’est ça que j’aimais !
            Je suis profondément triste.
            PIERRE RICHARD

Pascal Thomas - © Collection personnelle Pascal ThomasJacques Rozier était mon ami.
Comme Jean-Luc Godard, je pense qu’il était le meilleur metteur en scène de cette Nouvelle Vague, amorcée en 1956 par Roger Vadim avec Et Dieu Créa La Femme.
Tout pour Jacques était prétexte à rires.
Signe particulier : il prenait interminablement son temps pour les tournages et les montages de chacun de ses longs-métrages… que des comédies !
Même chose pour la cuisine qu’il faisait admirablement. Un plat commencé à 19h pouvait être dégusté au mieux à 23h, sans tenir compte de la faim des convives et de leurs enfants.
Parmi les nombreuses singularités de Jacques Rozier, il y a cette relation très particulière avec le temps qui, pour lui, ne semblait pas passer, et pour nous non plus, en sa compagnie toujours intéressante, passionnante, et surtout amusante. Les enfants l’adoraient.
J’y vois une des raisons pour lesquelles, me demandant un jour de le loger une semaine ou deux dans le grand appartement que j’habitais alors rue de Babylone avec femme, enfants et grands-parents, il est resté plus de sept ans, pour la joie de cette troupe. Dans mon film Le Grand appartement, il a inspiré le personnage incarné par Pierre Arditi nommé « non pas Rosier mais… Églantier ! ».
Ce matin, en me réveillant, j’ai remarqué que la photo épinglée au-dessus de mon bureau, nous montrant dans la cuisine du vrai grand appartement, s’était penchée. Rozier n’est plus là ! Voilà, un petit signe de lui…

PASCAL THOMAS

Pascal Thomas et Jacques Rozier - © collection personnelle Pascal Thomas

Jacques Rozier entouré de l'une de ses fiancées, de Clément Thomas et de Nathalie Lafaurie - Photo prise par Pascal Thomas
Détail photo de Jacques Rozier entouré de l'une de ses fiancées, de Clément Thomas et de Nathalie Lafaurie - Photo prise par Pascal Thomas

Le producteur Éric Langlois, qui a noué une relation très forte avec le cinéaste depuis Maine Océan où il était régisseur général, nous offre ce magnifique texte en hommage à son ami Jacques.

C’est certainement un signe, un signe à ta façon, un au revoir à la Rozier : c’est Pascal (Thomas), qui fut ton ami, ton complice pendant tant d’années, dont nous venons de produire le prochain film Le Voyage en pyjama, qui m’envoie ce sms : « Rozier est mort aujourd’hui à Théoule… ». La phrase est brève, simple, surtout sans fioritures. Sous cette réserve on devine sa peine, son émotion retenue.
La lumière douce de cette soirée m’envahit. Oh, Jacques, je t’aimais tant. J’étais un gamin, très jeune régisseur général de 22 ans lorsque nous avons tourné Maine Océan… Tu m’avais choisi dans les bureaux de Paolo Branco. Je venais de faire deux longs métrages, avec Aline Issermann et Marguerite Duras. Nous ne nous sommes jamais quittés, et ce fut « Joséphine en tournée » chez Humbert Balsan, « Alceste », des développements de films en pagaille, « La Gabelle », « Le Perroquet vert », Fifi Martingale… Tu étais la liberté incarnée, c’est pour cela que nous nous aimions, tu étais l’enfant émerveillé de ton court métrage Rentrée des classes qui flotte au fil de l’eau d’une rivière enchantée.
Nous avons tellement ri ensemble, la Sarthe où tu avais vécu adolescent pendant la guerre, la Vendée, la mer, l’Esterel, tes histoires amusées, encyclopédiques et gentiment moqueuses aussi de la Nouvelle Vague, mais surtout la simplicité, la vraie vie, drôle et dure parfois… toujours baluchon léger, tu étais invité permanent chez nous, les enfants rient encore de nos baignades dans les rouleaux vendéens, que tu aimais prendre de face, torse en avant, de plein fouet, riant aux éclats, accompagnant chaque vague par le beau vers, si triste aujourd’hui, de ce cher Paul Valéry : « … La mer, la mer, sans cesse recommencée… ». La mer, le ciel, le temps sont tiens désormais…
ÉRIC LANGLOIS

 

Propos recueillis par Jérémie Imbert

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