Tonino Valerii, son nom était Personne

Tonino Valerii, son nom était Personne

Le réalisateur italien Tonino Valerii, qui vient de nous quitter le 13 octobre 2016 à l’âge de 82 ans, n’était pas le pape de la comédie mais son nom restera à jamais attaché à Mon nom est personne (1973).

Tonino Valerii sur le tournage de Mon nom est personne (1973)Né en 1934 dans les Abruzzes, Tonino Valerii a débuté au cinéma en étant l’assistant de Sergio Leone sur ses deux premiers westerns, Pour une poignée de dollars (1964) et Et pour quelques dollars de plus (1965). « Ce garçon n’avait jamais rien fait dans le cinéma avant de travailler avec moi, explique le cinéaste. Il craignait le soleil. Il ne savait pas courir. Alors, je lui ai dit qu’il valait mieux qu’il devienne metteur en scène. Après tout, n’importe qui faisait des westerns. Pourquoi pas lui ? » Valerii réalise plusieurs films assez sérieux, dont Texas qui brode en version « cow-boy » sur l’assassinat de JFK, et Le Dernier Jour de la colère, une histoire de relation de « maître à élève » (Lee Van Cleef et Giuliano Gemma) sur fond de vengeance.

Tonino Valerii sur le tournage de Mon nom est personne (1973)
Tonino Valerii et Terence Hill sur le tournage de Mon nom est personne (1973)

En 1970, le triomphe de On l’appelle Trinita (puis de sa suite, l’année suivante) avec le duo formé par Terence Hill et Bud Spencer fait l’effet d’une bombe. Genre extrêmement violent à l’origine, le western à l’italienne va devenir comique. Sergio Leone est abasourdi. Pour Tonino Valerii, « Sergio ne l’avait pas digéré. Je pense que la meilleure façon de répondre à ce succès était de faire un film dans lequel l’un de ses personnages, Henry Fonda en l’occurrence, se mesurerait à ce personnage clownesque. » Ce que le père du western transalpin résumait par « la grande rencontre de la vérité et de l’idiotie ».

Mon nom est Personne (Tonino Valerii, 1973)
Mon nom est Personne (Tonino Valerii, 1973)

Mon nom est Personne (Tonino Valerii, 1973)
Mon nom est Personne (Tonino Valerii, 1973)

Mon nom est personne va donc mettre face à face une légende de l’Ouest, Jack Beauregard, et un jeune pistolero éperdu d’admiration, qui n’est rien, juste Personne. L’Homme aux colts d’or vs. Trinita. Le second rêve d’offrir au premier une fin digne de sa carrière : lui faire affronter la « Horde sauvage », une bande d’une centaine de hors-la-loi…

Mon nom est Personne (Tonino Valerii, 1973)Pris par la préparation de Il était une fois en Amérique (qui ne verra le jour qu’une dizaine d’années plus tard), Sergio Leone décide de n’être que producteur du film et propose la réalisation à quantité de cinéastes, de Sergio Corbucci (réalisateur du mythique Django) à Pier Paolo Pasolini ! Mais c’est finalement à son ancien assistant Tonino Valerii qu’il confie le projet. Lequel s’approprie assez vite le sujet. « Mon idée était de raconter l’histoire d’un jeune qui refuse de grandir – c’est le syndrome de Peter Pan – comme un enfant jouant toujours à être Jack Beauregard. (…) Ça fait penser à un enfant qui collectionne des bandes dessinées. Chaque semaine, il veut connaître la suite des exploits de son héros préféré. »

Les prises de vues se déroulent au Nouveau-Mexique ainsi qu’à la Nouvelle-Orléans, avant que l’équipe ne se rende en Espagne, près de Grenade. Le tournage prend du retard et Henry Fonda va devoir quitter le plateau à une date précise pour se rendre sur un autre film. Valerii se souvient : « Sergio m’a dit “On a deux possibilités : on fait des coupes dans le scénario, ou on constitue une deuxième équipe pour quelques jours. Et si tu es d’accord, je la dirige.” D’accord, faisons ça. Il m’a dit : “Choisis ce que tu veux faire et moi je fais le reste.” »

Terence Hill et Henry Fonda dans Mon nom est Personne (Tonino Valerii, 1973) - © Universal PicturesLeone tourne la « scène des baffes » dans le saloon, qui s’inspire très clairement de celle de On continue à l’appeler Trinita, les tartes à la crème à la foire et une séquence absente du scénario : le mécano du train urinant dans les toilettes de la gare, face à Personne. Pour Valerii, cette dernière scène est inutile et d’une grande vulgarité. Mais seul le producteur a le dernier mot. Dans les années qui suivront, Leone affirmera avoir réalisé « le début, la bataille et le duel final », provoquant une grande amertume chez Valerii, qui est aujourd’hui encore considéré comme un simple exécutant et non comme l’auteur du film…

Refusant Un génie, deux associés, une cloche en 1975, Tonino Valerii ne tourne plus de westerns (le genre est de toute façon en voix d’extinction) et se dirige vers des polars et des films d’aventures (dont Les Requins du désert avec Franco Nero et Michel Constantin).

Bande-annonce de Mon nom est Personne

Sources des citations :
Conversation avec Sergio Leone de Noël Simsolo (éd. Cahiers du Cinéma, 1999)
Nobody… is perfect (StudioCanal, 2005)

par Philippe Lombard

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