Incontournable second rôle du cinéma, Charles Gérard nous a quittés jeudi 19 septembre 2019 à l’âge de 96 ans.
Né le 1er décembre 1922, Charles Gérard s’essaye d’abord très brièvement à la boxe – quatre combats, quatre K.O. – avant d’infiltrer le milieu du Septième Art, par le biais de la figuration. Néanmoins, l’artiste qui sommeille en lui s’intéresse en réalité davantage à l’écriture et à la mise en scène, si bien qu’après avoir signé quelques courts-métrages à l’aube des fifties, il parvient à franchir le cap du long dès 1958, en duo – avec Michel Deville ou Marc Allégret – puis seul, pour une série de polars. Mais c’est finalement dans la comédie, et face caméra, que Charles Gérard se révèle le plus.
Séduit par son humour, le cinéaste Claude Lelouch le positionne au premier plan de Smic, Smac, Smoc (1971) aux côtés d’Amidou et de Jean Collomb, une œuvre sélectionnée à la Mostra de Venise. L’année suivante, les deux hommes récidivent, avec un classique quasi instantané, L’Aventure c’est l’aventure, où Charles Gérard apprend notamment à marcher « avec classe » pour draguer les femmes grâce à Aldo Maccione, en compagnie de Lino Ventura, Jacques Brel, sans oublier Charles Denner. Un succès international, dont près de quatre millions de spectateurs sur le sol français. S’en suivront, toujours sous l’égide de Lelouch, La Bonne année (1973), Tout ça… pour ça ! (1992) ou encore Une pour toute (1999).
Conjointement, Gérard développe une véritable carrière au sein du genre, testant différents styles, de Claude Pinoteau (La Gifle, 1974) à Fabien Onteniente (Turf, 2013), auxquels s’ajoutent ceux de Francis Veber (Le Jouet, 1976), Robert Pouret (Les Ringards, 1978), Michel Gérard (C’est dingue… mais on y va…!, 1979), Christian Gion (Pétrole ! Pétrole !), Élie Chouraqui (Qu’est-ce qui fait courir David ?, 1982), Jean-Loup Hubert (La Smala, 1984), Michel Lang (Club de rencontres, 1987) et de Laurent Baffie (Les Clefs de bagnole, 2003).
Son amitié avec Jean-Paul Belmondo l’amène par ailleurs à le côtoyer sur de nombreux plateaux (L’Incorrigible, L’Animal, Flic ou voyou, Le Guignolo -photo à la une-), parfois même en tant que simple spectateur : « Sur le film Un Singe en hiver que j’appelle « Deux singes en hiver » – Gabin et lui ! – , pendant les pauses, il jouait sur la plage. Un jour, Jean Gabin d’un « pointu » lui marque un but. Le lendemain, les techniciens n’arrêtaient pas d’en parler sur le plateau. Un Singe en hiver a été un tournage extraordinaire : Gabin, Belmondo et Audiard ne parlaient que de foot, de cyclisme et de boxe. Sur ces disciplines, ils étaient incollables, ils connaissaient tout. Un jour, j’ai voulu intervenir pour donner mon avis, on m’a dit : « Tu fermes ta gueule, t’écoutes, un point c’est tout. » Et Michel Audiard s’est tourné vers moi en ajoutant : « Le jour où on mettra les cons sur orbite t’as pas fini de tourner. » La réplique que Gabin dira dans Le Pacha. »
En 1994, Charles Gérard avait également publié un livre de mémoires, intitulé La Vie… c’est pas toujours du cinéma, aux éditions Ramsay.
« C’est vraiment un homme qui amenait constamment son talent parce qu’il était d’une spontanéité idéale, conclut Lelouch. Il était non seulement le copain à l’écran mais aussi le copain dans la vie, qu’on pouvait appeler à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. C’était le copain idéal. »
par Gilles Botineau