Si le concept de « rire salvateur » est une piste face à la barbarie de ces derniers jours en France, il semble judicieux de courir acheter son ticket et de plonger tête baissée dans l’humour noir des Nouveaux sauvages (Relatos Salvajes), second film du réalisateur argentin Damián Szifrón, et croisement inattendu entre Les Nouveaux Monstres (1977) de Mario Monicelli, Dino Risi et Ettore Scola et Pulp Fiction (1994).
On rit et on grince des dents devant ces six sketches dont le point commun est le « pétage de plombs ». Qui dit films à sketches dit souvent séquences inégales. Or, à la fin des deux heures de projection qui glissent comme une mariée en escarpins jetée sur une patinoire, on aimerait en savourer d’avantage.
Après une scène d’ouverture décapante dans un avion, s’ensuit une course-poursuite qui aurait pu figurer dans le Boulevard de la mort de Quentin Tarentino, ou encore un « mariage fiasco » que même Lars von Trier n’aurait osé imaginer pour son Melancholia.
Ces six caricatures du quotidien reposent toutes sur le même principe : jusqu’où peut aller un individu quand celui-ci lâche totalement prise et laisse exploser ses pulsions primaires de violences ? Le sketch des deux chauffards en colère est aussi pathétique que burlesque tant la surenchère y est constamment relancée et minutieusement cadencée. Chacune des histoires communique au spectateur une forme de plaisir libérateur. Plaisir coupable ? C’est bien en cela que réside la réussite du film, qui divertit avec un culot et une impolitesse salutaires.
Damián Szifrón : « Je pense souvent à notre société occidentale et capitaliste comme une sorte de cage transparente qui amenuise notre sensibilité et dénature nos rapports. Les Nouveaux Sauvages opère sur un ensemble d’individus qui vivent dans cette cage tout en ignorant son existence. Mais là où n’importe qui déprime ou tente de se maîtriser, eux passent à l’action. La multiplicité d’histoires implique pour moi un acte libérateur en soi, car cela me relie directement au moment où j’ai pris goût à la lecture. Je me souviens comme si c’était hier de la découverte, dans la bibliothèque familiale, d’un tas d’anthologies éditées par le « Cercle des lecteurs » ayant captivé mon attention : Récits des maîtres du crime, Les maîtres du mystère, Les maîtres de l’horreur. Plus tard, viendraient les Histoires fantastiques produites par Spielberg, les New York Stories de Scorsese, Coppola, Woody Allen, ou encore les Neuf nouvelles de J.D. Salinger. Les chemins que toutes ces œuvres ont frayés dans ma conscience ont configuré l’espace qui m’invite aujourd’hui au jeu, à la liberté créatrice et à l’expérimentation. »
Thierry Frémaux avait annoncé que ce serait le film le plus original de la sélection officielle de Cannes 2014. Quelle surprise de retrouver cette « méchante » comédie en compétition officielle à Cannes, où la programmation déclenche rarement l’hilarité générale.
Co-produit par la société de Pedro Almodóvar et distribué par Warner Bros, Les Nouveaux sauvages est une succession de sensations fortes comparables à une attraction de fête foraine. Alors accrochez vos ceintures !
Depuis son passage à Cannes, le film a triomphé au Box-office argentin. Il est nominé aux prochains Oscars dans la catégorie « meilleur film étranger » et fait office de favori aux BAFTA européens.
Relatos Salvajes est un film de fous dans un monde de dingues, un défouloir cinématographique à déclarer d’intérêt public.
par Jérôme Antezak
Scénario–Réalisation : Damián Szifron
Casting : Ricardo Darín, Oscar Martinez, Leonardo Sbaraglia, Erica Rivas, Dario Grandinetti, Julieta Zylberberg, Rita Cortese, María Marull, Mónica Villa, Cesar Bordon, Walter Donado…
Musique : Gustavo Santaolalla
Pays : Argentine, Espagne
Durée : 2h02
Distribution : Warner Bros. France
Bande-annonce
Page officielle
Dossier de presse
Synopsis : L’inégalité, l’injustice et l’exigence auxquelles nous expose le monde où l’on vit provoquent du stress et des dépressions chez beaucoup de gens. Certains craquent. Les Nouveaux sauvages est un film sur eux.