Immense comédienne née le 9 août 1950, Anémone – de son vrai nom Anne Bourguignon – est décédée mardi 30 avril 2019 à l’âge de 68 ans.
La jeune Anne fait ses début sur grand écran en 1968 dans un long-métrage signé Philippe Garrel : Anémone. Elle choisit son pseudonyme en clin d’œil au personnage du film. En 1975, elle retape avec Martin Lamotte, Roland Giraud et Gérard Lanvin le café-théâtre la Veuve Pichard, qui deviendra en 1978 le Point Virgule.
Durant la décennie 1970, elle multiplie les petites apparitions au cinéma en se spécialisant dans le genre de la comédie, que ce soit sous la direction de Philippe de Broca (L’Incorrigible), Gérard Pirès (Attention les yeux !), Robert Pouret (Cours après moi… que je t’attrape), Yves Robert (Un éléphant ça trompe énormément) ou Nicole de Buron (Vas-y maman).
Puis, elle obtient son premier rôle important grâce à Coluche, qui la choisit comme vedette pour son unique long-métrage en tant que metteur en scène, Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine (1977), et où elle se laisse séduire par Gérard Lanvin, mythique Chevalier Blanc.
Néanmoins, il lui faut attendre les années 1980 avant de recevoir des propositions à la hauteur de son talent. Dès lors, elle enchaîne les rôles de femmes simples, à la limite parfois de la naïveté, et ce tout en restant infiniment juste : parmi elles, bien sûr, Thérèse de Monsou, bénévole au sein de SOS Détresse Amitié dans Le Père Noël est une ordure ! réalisé par Jean-Marie Poiré, d’après la célèbre pièce de théâtre écrite par l’équipe du Splendid. Prononcée par Thérèse, « C’est fin, c’est très fin, ça se mange sans faim » est entrée depuis bien longtemps au panthéon des répliques cultes du cinéma français.
Au sommet de son art, Anémone promène sa magnifique silhouette, sa voix à la fois drôle et sensuelle et son jeu si naturel dans trois comédies de François Leterrier : elle est Liliane, une romantique extrême dans Je vais craquer !!! (1980), Alexandra, une hippie perchée dans Les Babas cool (1981), et Hélène, une bourgeoise moins attentionnée par son prétendant que par son chien dans Tranche de vies (1985).
N’oublions pas ses brillantes prestations dans deux comédies de Philippe Galland : la sensuelle Bonnie, animatrice de Radio 1 qui séduit Gérard Jugnot dans Le Quart d’heure américain (1982) — même si au départ le rôle avait été écrit pour Isabelle Adjani — et Charlotte, princesse bêta séduite par Thierry Lhermitte dans Le Mariage du siècle (1985), seule expérience scénaristique de la comédienne.
En promotion pour ce dernier dans l’émission de Pierre Tchernia Mardi cinéma, les deux acteurs éméchés étaient partis dans un fou rire inoubliable sous le regard complice de Michel Serrault.
Interview catastrophe d’Anémone et Thierry Lhermitte
Mardi cinéma – 8 octobre 1985
Chez Édouard Molinaro (Pour cent briques, t’as plus rien…) et Patrice Leconte (Viens chez moi, j’habite chez une copine, Ma femme s’appelle reviens), la comédienne se voit offrir des rôles plus conséquents à la tonalité bien distincte. Ce dernier témoigne : « Au cinéma, avant cela, elle n’a interprété que les utilités. Pour Je vais craquer !! Leterrier lui a réservé le rôle d’une nunuche au physique ingrat, alors qu’Anémone est une femme de caractère au corps superbe. Pour la première fois, dans Ma femme s’appelle reviens, elle est donc là mieux qu’à égalité avec son partenaire masculin : alors que Michel Blanc reprend sans grande innovation son personnage habituel, Anémone, elle, habite avec gourmandise le rôle d’une séductrice sans complexe, constamment déçue par des mâles trop naïfs ou trop cyniques, noyant son chagrin dans les crises de boulimie, puis repartant avec une folle énergie à la découverte des hommes. Et ce personnage, généreux, inconscient, alternant la vitalité et les pulsions suicidaires, allie – ce qu’elle aime par-dessus tout – des relents de tragédie dans une comédie de mœurs. » (Patrice Leconte, Je suis un imposteur, Flammarion, 1998).
Au fil du temps, la comédienne délaisse peu à peu le genre au profit de sujets plus dramatiques, décrochant au passage un César pour son interprétation dans Le Grand Chemin (Jean-Loup Hubert, 1987), puis elle se consacre à nouveau à la comédie, au hasard d’heureuses rencontres : Michel Deville (Aux petits bonheurs, 1994), Tonie Marshall (Pas très catholique, 1994), Matthieu Delaporte (La Jungle, 2006), Laurent Tirard (Le Petit Nicolas, 2009).
Entre 2005 et 2014, la comédienne retrouve le petit écran, puis elle réapparaît au cinéma pour un dernier round dans son genre de prédilection, la comédie : Jacky au royaume des filles de Riad Sattouf en 2014, Je suis à vous tout de suite de Baya Kasmi, Rosalie Blum de Julien Rappeneau et Le Grand partage d’Alexandra Leclère en 2015, sa dernière apparition datant de 2018 dans le film d’Anne Le Ny, La Monnaie de leur pièce.
par Gilles Botineau et Jérémie Imbert