Robert Hirsch était l’un des derniers monstres sacrés du théâtre français, mais on oublie souvent qu’il pratiquait le burlesque et a tourné dans un grand nombre de comédies à la française. Le comédien vient de nous quitter ce jeudi 16 novembre 2017 à l’âge de 92 ans.
Brillant sociétaire de la Comédie-Française de 1952 à début 1974, Robert Hirsch forme avec Jean Meyer, Jacques Charon, Micheline Boudet et Jean Piat la bande des Jeunes Turcs, mais n’hésite pas à mettre son talent au service de la télévision avec Jacqueline Maillan et Jean Le Poulain dans une série de sketches désopilants. Adepte du travestissement, il est capable de devenir la cantatrice Roberta Von Hirsch ou une danseuse du Lac des cygnes dans des interprétations très personnelles.
Il est par ailleurs un des rares acteurs à avoir été aussi danseur. « Robert Hirsch était un acteur que je trouvais absolument génial, raconte Pierre Richard. Quand il jouait Scapin, il était démentiel. Dans les sketchs avec son ami Jean Le Poulain, il faisait des merveilles. Il savait tout faire, il n’avait aucune retenue, il était débordant de folie. » Pratiquant le grand écart comme d’autres la bicyclette ou la marche à pied – en témoigne cet extrait du feuilleton de la perle rose -, le comédien se permet toutes les audaces sur scène, utilisant sa gestuelle élastique exceptionnelle comme le faisaient Chaplin, Keaton et bien d’autres légendes du cinéma burlesque. Son art de la chute – comme ici dans cette parodie de Ruy Blas – n’a rien non plus à envier à Jerry Lewis. Robert et la comédie : un talent définitivement Hirsch-chute.
Parallèlement à son activité théâtrale, Hirsch débute sa carrière au cinéma en 1951 dans Le Dindon, une adaptation de la pièce de Feydeau mise en scène par Claude Barma. Le film n’attire que 570.626 spectateurs. Cinq ans plus tard, il tourne sous la direction de Marc Allégret En effeuillant la marguerite aux côtés de Daniel Gélin et Brigitte Bardot. Le film est un immense succès qui rassemble 3.296.793 spectateurs. Pourtant, il faut attendre près de dix ans avant de revoir Robert Hirsch au cinéma dans un grand rôle.
Pour son retour sur grand écran, Robert Hirsch marque le coup en endossant le costume, non pas d’un personnage mais de treize, dans Pas question le samedi, la comédie culte réalisée en 1964 par Alex Joffé. À l’instar d’Alec Guinness dans Noblesse oblige de Robert Hamer sorti quinze ans plus tôt en 1949 et dans lequel le futur Obi-Wan Kenobi interprète huit rôles à lui tout seul, le sociétaire de la Comédie-Française qui adore changer de tête et se transformer physiquement, se lance dans un étourdissant numéro de près de deux heures durant lesquelles il interprète tous les membres d’une même famille. Sa prouesse est applaudie par 1.827.286 spectateurs et le long-métrage est récompensé par une nomination aux Golden Globes en 1967.
L’année suivante, le comédien tourne en vedette sous la direction de deux futurs cinéastes majeurs de la Comédie à la française : Yves Robert avec Monnaie de singe et Michel Deville avec Martin Soldat. Les deux comédies attirent chacun près de 1.340.000 spectateurs, consolidant un peu plus la bonne réputation de Robert Hirsch au Box-office.
Après le semi échec de Toutes folles de lui de Norbert Carbonnaux (un peu plus de 500.000 entrées en 1967), Hirsch retrouve le cinéaste Alex Joffé, qui entre temps a cartonné avec son acteur fétiche Bourvil dans La Grosse caisse. Dans Les Cracks [voir la bande-annonce], un film burlesque dans la tradition des slapstick des années 1900, il a pour partenaire Bourvil et Monique Tarbès. La comédie sportive ayant pour cadre la course cycliste Milan-San Remo 1901 est très souvent tournée à 20 images/secondes au lieu des 24 traditionnelles, ce procédé technique incitant ainsi les acteurs à insuffler dans leur jeu un rythme particulier, celui de la course.
Reportage sur le tournage du film Les Cracks / Un certain comique – 26 oct. 1967
À sa sortie le 1 mars 1968, Les Cracks devient, après Fortunat et ses 3.336.946 entrées en 1960, le deuxième plus gros succès d’Alex Joffé avec près de trois millions de spectateurs conquis. Robert Hirsch connaît avec ce film son plus gros succès commercial.
Par la suite le comédien fait confiance à Pierre Mondy et Francis Veber qui tournent leur premier film, Appelez-moi Mathilde, le premier en tant que metteur en scène, le second en tant que scénariste d’après sa propre pièce, L’Enlèvement.
Reportage sur le tournage de Appelez-moi Mathilde / Été magazine – 9 juillet 1969
S’apparentant à du théâtre filmé et souffrant d’un manque de rythme, comme le précise Mondy lui-même, le film n’est pas un triomphe (près de 800.000 spectateurs), et on ne reverra le comédien dans une comédie que six ans plus tard. Dans Chobizenesse [voir la bande-annonce] de Jean Yanne, Hirsch interprète Jean-Sébastien Bloch, un organiste et compositeur intègre mais ingérable. Le film devient le plus gros échec commercial du réalisateur de Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Hirsch ne reviendra pas à la comédie sur grand écran, se concentrant essentiellement sur des projets de théâtre.
Durant les quarante dernières années de sa vie, le comédien a ainsi passé la majorité de son temps sur scène, si bien qu’à part quelques rares apparitions, sa carrière cinématographique a peu à peu été oubliée. Même si depuis la naissance de CineComedies nous souhaitions réaliser un entretien avec Robert Hirsch afin qu’il revienne sur ces années passées auprès des grands noms de la Comédie à la française, sa disparition ne nous empêche pas d’avoir une pensée émue pour ses multiples talents, et de nous replonger avec délice et curiosité dans sa si singulière filmographie.
par Jérémie Imbert